mercredi 7 avril 2010

Assis sur un banc du jardin public, une femme lisait. Contre elle, la tête appuyée sur son épaule, un homme écoutait la nature, l’air absent. C’était les derniers jours du printemps, les plantes et les arbres étaient en fleurs, il faisait bon.
Sur une marre toute proche, une canne et ses petits glissaient silencieusement en file indienne sur la surface plane de l’eau. De temps à autre maman canard, chef de file du cortège familial plongeait le bec sous l’eau pour pêcher on ne sait quoi. Les canetons intrigués par l’attitude maternelle mais confiants en leur mère l’imitaient alors.
Non loin de là une petite fille jetait des miettes de pain à un moineau. Sans méfiance l’oiseau les picorait goulument, sans doute ravi que quelqu’un le nourrisse avec tant d’attention. La petite fille bientôt à court de pain vint faire le plein dans un sac plastique posé au pied d’un arbre. Aussitôt réapprovisionnée elle retournait sans tarder à son passe temps. Le moineau n’avait pas bougé, il l’attendait patiemment. Malicieusement la petite fille jetait les miettes plus près d’elle de sorte que l’oiseau, sautillant vers la nourriture, se rapproche. Ainsi en peu de temps les deux êtres ne furent plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, prêt à se toucher, à s’aimer probablement.
L’homme observait la scène en rêvassant lorsqu’un bruit le tira de sa rêverie. La femme leva à son tour le nez de sa lecture. Un jogger surgissant de nulle part passe près d’eux tel un coup de vent, piétinant par la même les miettes de pain. L’oiseau apeuré s’envola brusquement pour se percher hors de portée sur l’arbre voisin. Sans ralentir sa foulée, sans même s’être aperçu de quoi que ce soit, la musique à ses oreilles distrayant trop égoïstement ses pensées, le jogger continua sa course et disparu au loin.
L’homme se releva nerveusement et du regard suivi l’intrus un moment. Puis sa colère passée, il chercha des restes de miettes au travers des graviers, à l’endroit même où quelques instants plus tôt la petite fille et le moineau étaient si proche de se toucher. En vain. Au pied de l’arbre la poche avait également disparue. Sur l’arbre, masqué par le feuillage, un oiseau roucoulait mélancoliquement. Aux abords des yeux de l’homme des larmes perlèrent. La femme ferma son livre et prit la main de son mari pour l’embrasser. Ils se blottirent alors l’un contre l’autre comme pour se prémunir de l’hostilité de ce monde à leur égard, unissant leur corps pour former une carapace protectrice pour leur amour, pour cet unique lien qui les réunissait dans cette vie sans espoir d’autre chose.

Sur la marre maman canard et ses rejetons poursuivait paisiblement leur promenade, leur périple ridant à leur suite l’eau de minuscules ondulations. Caquetant de temps à autre, ils ne s’étaient guère préoccupés de ce qui venait de se produire pourtant non loin d’eux. Qui s’en était soucié d’ailleurs…

mercredi 29 juillet 2009

Pas de cris, pas de pleurs, seul le silence,
dans cette demeure privée d'une part de joie.
Deux âmes flirtent avec les ombres,
déambulant sans but,
si ce n'est celui de survivre et de s'aimer,
Et ce désir de ne pas être séparées.
Lorsqu'elles franchiront le seuil, leur amour pour seul bagage
De leur union rien ne bravera l'oubli.
Personne ne s'en souviendra, ne les pleurera,
personne ne viendra les fleurir, leur parler pourquoi pas.
Leurs images ne brûleront dans aucun souvenir de vivants
car malgré leur volonté elles n'auront existé que pour elles,
sans plus d'espoirs de tirer quelques larmes à la postérité.

jeudi 30 avril 2009

Y a t il un côté mieux que l'autre ?
Une idée qu'on ne peut formuler ?
Une envie qu'on ne peut réprimer ?
Une tentation qu'on peut rejeter ?
Un pêché qu'on ne peut planter ?
Un sens à une vie qui s'achève ?
Un âge où tout s'arrête ?
Une fleur qu'on ne peut cueillir ?
Un amour qu'on ne peut remplacer ?
Une terre plus paisible que mon île ?
Un oreiller plus doux que le tiens ?
L'amour est il écriture ?
L'homme le crayon, la femme le papier,
Tous deux enlacés, mêlant leurs maux
Briques de ces phrases édifiant leur histoire,
L'histoire de leur vie, trace de leur passage.
Mais de ce passage qu'en restera t il ?
Un enfant, souvenir de leur amour,
Perpétuant ce qui fut eux,
Sinon...

samedi 28 février 2009

Toi

Tu es cette lanterne suspendue par un clou dans l'azur du ciel, qui brûle et me guide les nuits sans lune, lorsque les étoiles sont éteintes et l'obscurité m'oppresse, lorsque cette vie me fait peur et refroidi mes espoirs. Ta présence alimente de bonté et d'amour mon âme séquestrée dans ce corps d'homme si imparfait et tant imperfectible. Et ta lumière, oh oui ta lumière, je la préfère des milliers de fois à celle du soleil parce qu'elle est mon exclusivité et que tu m'aimes, moi qui n'en mérite pas tant.

mercredi 11 février 2009

Si je regarde le ciel te verrai-je ? Es tu comme on dit une étoile qui brille désormais dans le firmement ?
Tu me disais que rien ne dure, pas même l'illusion, pas même les pensées, pas même l'amour.
Mais nos souvenirs que dois je en faire, cet album d'images que je suis seul à pouvoir feuilleter, que je ne pourrai pas transmettre, tous ces instants dont personne n'héritera. Ils tournent en boucle dans ma mémoire, ils creusent ma tombe, ce trou où la mélancolie finira par me jeter.
Je pourrais forcer la main à celle qui m'a privé de toi, car je meurs d'envie de te rejoindre. Mais la lâcheté me maintient en vie, me rappelant que ce n'est pas si simple de mourir, encore moins que de rester vivant.


Alors j'attend... et je continue de scruter le ciel...

samedi 7 février 2009

C'est un aveu de faiblesse que de vaincre par la seule arme de la destruction.
Notre amour est une bulle impénétrable flottant au dessus de toute considération. Elle se nourrit de l'énergie induite par la fusion de nos êtres, protègeant ainsi nos corps nus, vulnérables et si fragilement comprométables.

Il est tard déjà et je sens venir la fatigue.
Le sommeil me gagne malgré moi et
Il m'emportera bientôt sans que je ne puisse rien faire.
Des larmes coulent encore sur mes joues,
Je les devine même si je ne les sens plus.
Sèche les je te prie car mes mains ne le peuvent plus.
Referme aussi mes yeux car je n'en ai plus la force.
Et croise mes bras si cela te plaît car moi je ne croyais pas en lui.

dimanche 25 janvier 2009

Le vieil homme qui attendait...

Le vieil homme était assis près de la fenêtre, sur une chaise en paille. Sur ses genoux un gros chat roux, les yeux clos, dormait. De temps à autre, sans détourner son regard le vieil homme caressait l’animal. Alors ce dernier relevant la tête se mettait à ronronner sans toutefois ouvrir l’œil.
Le vieil homme n’abandonnait sa chaise et son chat que pour ajouter une bûche dans l’âtre de la cheminée, lorsque les flammes mourraient à petit feu. Le chat alors dérangé sautait à terre avant de s’étirer tel un accordéon. Puis il s’en allait manger quelques croquettes ou bien jouer avec son bouchon de liège gisant inanimé sous la table.
La cheminée crépitant de nouveau, le vieil homme revenait s’asseoir. Son chat le rejoignait quelques instants plus tard, lorsque la chasse au bouchon ne l’amusait plus ou bien lorsque ce même bouchon avait filé sous le buffet hors de portée de ses griffes.
Ainsi tout deux reprenaient leur occupation, invariablement, le chat à dormir paisiblement, le vieil homme à guetter, à attendre, à L’attendre, chaque jour sans répit, ne sachant pas quand elle reviendrait.
Pour ne pas manquer ces retrouvailles le vieil homme ne sortait quasiment jamais de chez lui durant l’hiver. Il restait là prostré, se levant tout juste pour aller aux toilettes, passant ses nuits derrière le carreau. Une aide à domicile faisait ses courses et son ménage de sorte qu’il n’ait pas à bouger de sa chaise.
Attendre derrière ce carreau embué et se souvenir, quelques larmes au coin des yeux. Se souvenir de sa femme avant que la maladie ne l’arrache à lui, se souvenir de ces longues promenades hivernales qu’ils faisaient tout les deux emmitouflés dans leur amour lorsque tombait la neige. Et surtout ne jamais oublier cette promesse qu’il lui avait faite de venir la chercher lorsque l’hiver tomberait la neige. Il savait que ce jour là elle l’attendrait. Elle lui avait dit avant de s’en aller, avant que la mort ne glace éternellement son cœur pourtant si heureux.
Mais depuis cette séparation forcée il n’avait plus jamais neigé. Cela rendait le vieil homme mélancolique, même si l’espoir demeurait toujours au plus profond de son être, cet espoir qui le maintenait en vie.

Un matin d’hiver le vieil homme fut dérangé dans sa solitude. Une dame élégante, un peu plus jeune que lui sans doute, vint frapper à son carreau. Le vieil homme surpris de cette visite et peu habitué à recevoir, encore moins une dame, se vit contraint de l’inviter à entrer. Il lui offrit l’âtre de sa cheminée pour se réchauffer car la dame était toute frigorifiée, endimanchée et peu vêtue qu’elle était. Le vieil homme quitta son poste pour lui proposer un café mais elle refusa. Il lui demanda alors ce qui la menait chez lui. Elle lui répondit, la voix tremblante, qu’elle était simplement venue pour lui dire qu’elle l’aimait. Elle éprouvait ce sentiment depuis fort longtemps mais n’avait jamais osé le lui dire, surtout qu’elle savait le vieil homme marié. Depuis qu’elle avait appris le décès de sa femme elle s’était dit qu’un jour elle viendrait le voir pour lui avouer sa flamme. Le temps avait passé et après bien des années elle s’était finalement décidée. Elle lui dit qu’elle voulait vivre avec lui sans plus tarder, qu’elle voulait qu’il la suive, qu’il quitte cette maison pour une plus agréable, plus confortable. Elle était aisée et pourrait lui offrir tout ce qu’il désirerait.
Le vieil homme de nouveau surpris ne su quoi répondre, car même si sa femme n’était plus là il l’aimait encore sans faillir et il s’était toujours refusé à ouvrir son cœur à une autre. De plus sa vie lui suffisait, il n’avait pas de besoins qu’il ne puisse satisfaire sans quémander.
Le silence s’installa entre eux, rythmé par le tic tac de l’horloge et entrecoupé par le bois crépitant dans la cheminée.
Le vieil homme tourna un instant la tête et regarda dehors au travers de ce carreau qu’il avait usé tant de fois. Le ciel était gris, bas et il se rendit compte qu’il neigeait. Le temps qu’il s’occupe de cette intruse, le temps qu’elle accapare son attention, la neige s’était mise à tomber, à son insu, alors qu’il l’avait guetté vainement sans faillir des hivers entiers. Il se leva et colla son nez à la fenêtre. D’épais flocons venaient frapper la vitre comme pour l’inviter à leur bal. Il tendit le cou. La petite place jouxtant sa maison était toute blanche, les arbres dénudés de leur feuillage se paraient de guirlandes argentées. Le visage du vieil homme si morose s’illumina alors. Enfin, la voici celle qu’il attendait depuis si longtemps !
Oubliant impoliment sa visiteuse il fila sans tarder s’habiller chaudement. Et il allait sortir lorsque la dame le retint par le bras. Elle insista de nouveau pour qu’il la suive. Reposant un instant ses yeux sur cette étrange inconnue le vieil homme se rendit compte qu’il ne la connaissait même pas de vue. Comment pouvait elle alors le connaître ?
La dame renouvela son invective plus sèchement. Alors le vieil homme comprit. Et il su en même temps qu’il n’avait finalement pas d’autre alternative. Il lui demanda toutefois qu’elle le laisse tenir sa promesse, qu’elle le laisse aller chercher sa femme pour leur ultime ballade.
La dame relâcha son étreinte et le vieil homme fila derrière la petite église, poussa la grille du cimetière, ses pieds s’enfonçant dans quelques centimètres de poudreuse. Les tombes semblaient toutes identiques sous ce voile laiteux, aussi il n’était pas facile de s’y repérer pour quelqu’un de passage.
Mais peu importe car à quelques encablures de lui une femme l’attendait, debout près d’un caveau. Son visage était radieux, sa robe se confondait avec le paysage. Le vieil homme s’approcha et elle lui prit le bras. Ainsi enlacés, l’un contre l’autre, ils partirent sans se retourner et disparurent par la grille du cimetière.

Le gros chat roux dort paisiblement sur sa chaise. Son maître n’est pas là mais cela ne l’intrigue pas outre mesure. Dans l’âtre de la cheminée gisent quelques charbons que personne n’a pris soin de retirer. Sur la table des papiers sont étalés en désordre.
Dehors le ciel est gris et bas. Une pluie de flocons s’échappe des nuages argileux pour tomber sur le sol, refroidissant un peu plus la nature. Dans une heure ou deux un nouveau tapis de neige recouvrira le précédent et ce qui ne l’était pas encore. Notamment derrière la petite église où se pressent quelques badauds venus saluer une dernière fois, ce parent, cet ami, cette connaissance qu’on enterre aujourd’hui.
La neige accompagne le nouveau défunt dans son ultime demeure, sous quelques pelles de terre, à l’abri du froid, vers un prochain oubli. Qu’importe, pour lui à présent, il n'a plus besoin d'attendre...